Vers libres

 

Amour, te souviens-tu de ce bel estuaire
éblouissant de nacre à l'heure du reflux,

lorsque sous le couchant une onde passagère
glissait entre les rocs sombres et chevelus ?

 

Sais-tu que dans ce havre enchâssé par la dune
où nous allions flâner par les longs soir d'été,
n'obéissant qu'aux lois du cycle de la lune,
deux vers mènent leur vie en toute liberté ?

 

Enfoui sous le sable, un jeune arénicole
au cœur de Roméo souffre du mal d'amour :
il chérit comme un fou la gravette frivole
qui sillonne au soleil les mares alentour.

 

Mais à conter fleurette, il n'est pas très habile :

dès qu'il sort un anneau, la coquette s'enfuit.
Il vit comme une taupe, elle est luminophile,
il ne pourra jamais la mener au déduit.

 

Amour, si, sur la grève aux lumières fluides,

tu vois des tortillons émerger sous tes pas,

quelques pouces plus bas, de tendres annélides

cachent leur cœur meurtri. Ne les écrase pas.

 

Arnold tient à préciser que la tête de la gravette est fidèle à la réalité.